Tout enfant apprenant les chiffres le sait, 17 vient avant 18… Chez Porsche l’arithmétique bafoue le sport…
Doublé Porsche à Fuji (Jpn)! Les observateurs peu attentifs et autres fans de Porsche lèvent les bras au ciel. Les adeptes de l’esprit sportif et du principe qu’en sport automobile il s’agit d’aller plus vite que les autres pour gagner n’en croient pas leurs yeux… Mais fric et stratégie obligent…
Au pied du mont Fuji, les Porsche 919 ont une fois encore dominé la concurrence. Pole pour la #17 (photo de Une), et première ligne complétée par la #18. Les qualifications avaient de quoi satisfaire les pontes de la marque. En course, la pluie, le safety car et l’intelligence de course ont favorisé la prise de pouvoir de la 18 (Jani-Lieb-Dumas) qui, à l’entame de la dernière heure, avait un tour ou presque, d’avance sur la 17 (Webber-Bernhard-Hartley). Le trio helvetico-franco-allemand semblait tenir cette victoire après laquelle il roulait depuis le début de la saison. Mais ça c’était avant… Avant que la stratégie ne l’emporte sur le sport, avant que les ordres venus d’en-haut n’oblige Jani, alors au volant, à rouler le frein à main serré pour offrir la victoire à ses coéquipiers et néanmoins adversaires de la voiture sœur. Commentaire de Neel Jani: «C’était notre première course sans problèmes depuis Silverstone. Tout a parfaitement fonctionné, mais compte tenu de notre position au championnat nous avons dû donner la victoire à nos coéquipiers. Il est clair que ça fait mal, mais si j’analyse la situation avec l’esprit indien qui est en moi, je préfère imaginer que nous aurons une autre opportunité, plutôt que de me plaindre…»
Audi avait déjà pratiqué à l’identique au Nürburgring demandant à Di Grassi nettement plus rapide de bien vouloir s‘effacer au profit du trio Faessler-Tréluyer-Lotterer… alors en tête du classement des pilotes. Inutile de la cacher, si nous éprouvons une certaine compréhension, encore que, pour cette tactique, nous ne la cautionnons pas (voir commentaire). Au final, après une course passionnante comme le sont généralement les affrontements du WEC, les petits calculs de garages ont pris le pas sur le sport. La Porsche #17 a hérité de la victoire, la #18 a assuré le doublé et l’Audi #7 (Faessler & Co) s’est vu offrir la 3ème place… Les Toyota, toujours pas dans le rythme ont terminé respectivement P5 (#1 Buemi) et P6 (#2)… Et la Rebellion #13 s’est adjugé sa catégorie…
En LMP2, c’est la maladresse, ou pas, des équipages G-Drive qui a fait le classement… Longtemps à la lutte pour sauvegarder sa position de leader, l’Oreca-Nissan de KCMG (Howson-Bradley-Tandy) a été boutée hors du tracé par la Ligier #28 (Yacaman-Derani-Gonzalez) lors d’une manœuvre aussi antisportive que maladroite… Chacun choisira sa version. C’est l’autre Ligier de chez G-Drive, la #26 (Rusinov-Canal-Bird) qui l’emporte, devant l’Alpine #36 (Panciatini-Chatin-Capillaire) et la Ligier #28…
En LMGTE Pro, victoire pour la Ferrari #51 (Bruni-Vilander)… Alors que la Porsche #77 (Dempsey-Long-Seefried) s’impose en LMGTE am.
Classement
- Porsche #17 (Webber-Hartley-Bernhard). 2. Porsche #18 (Jani-Lieb-Dumas) 3. Audi #7. (Fässler-Treluyer-Lotterer).
Au championnat du monde des pilotes le trio Webber-Hartley-Bernhard est désormais en tête avec un petit point d’avance (129) sur Fässler & Co (128). Jani et ses coéquipiers occupent le 3ème rang avec 95.5 unités. Quant aux champions du monde en titre (Buemi et Davidson), ils pointent à la 6ème place.
Crédit images: cp Porsche, archives Suisse AutoMag
Commentaire.
Précision liminaire, nous adorons le WEC. Que l’on ne s’y trompe pas, le championnat du monde d’endurance propose des courses exceptionnelles, pleines d’action et dignes d’être suivies. Il n’empêche, lorsque le décalage horaire oblige les dormeurs à faire sonner la diane un dimanche matin sur le coup des 4 heures pour suivre une manche de leur compétition préférée et qu’au final la stratégie prend le pas sur le sport, l’ambiance est pourrie.
D’abord, et jusqu’à plus ample information, les ‘magouilles’ d’usine sont interdites par le règlement… Ensuite, un podium bricolé n’a rien de festif. Les vainqueurs osent à peine célébrer leur victoire tant ils sont conscients qu’ils ne la méritent pas. Et les autres ne peuvent que sourire sachant que c’est eux qui ont fait le boulot.
Du côté de Fuji, Porsche a imité Audi pour tourner le plus improbable des scénarii. Au Nürburgring, Faessler et ses compagnons était sur le podium par la grâce des communications radio et des ordres intimés à Di Grassi & Co… A Fuji, Webber et ses petits camarades ont reçu la victoire en cadeau… Mais tout le monde savait qu’ils l’avaient ‘volée’ à Jani et les siens plus efficaces en piste.
Le principe veut que les pilotes d’usine bénéficient des meilleures voitures pour pouvoir se battre au sommet de la hiérarchie. Encore faut-il qu’ils en soient capables et qu’ils maîtrisent tous les éléments. Lorsqu’une aide extérieure s’impose, la victoire n’a aucune saveur… Mais au royaume du fric et des bricolages de garages, la réflexion sur la valeur pécuniaire d’un éventuel titre mondial n’a que faire des sentiments et de la frustration de collaborateurs certes parfaitement rémunérés, mais en l’occurrence traités comme des pions sur un échiquier, pardon sur un circuit. Sportivement c’est lamentable!
Dans ce contexte, difficile de se motiver à rééditer l’exercice du réveil au milieu de la nuit pour la course de Shanghai, début novembre… Sachant que de toute évidence c’est encore le garage qui pourrait bien décider du classement. /FL