Après une année 2017 en demi-teinte, doux euphémisme, Louis Delétraz semble avoir trouvé baquet à son gabarit pour cette saison.
Si le dicton «bon sang ne saurait mentir» est correct, la famille Delétraz en est un exemple parfait. Papa Jean-Denis était un pilote d’expérience en monoplace avec quelques sorties en F1 et en endurance avec notamment une victoire au 24H de Spa. Et c’est maintenant le tour de son fiston, Louis, de se distinguer sur les circuits.
L’an dernier, le jeune genevois, 21 ans le 22 avril prochain, faisait son entrée dans le peloton de la Formule 2 qui elle-même revenait à ses origines après avoir pris différents noms (Formule 3000, puis GP2). Du coup, les attentes de Delétraz étaient à la mesure de son talent, autrement dit grandes… Malheureusement, après avoir brillé en Formule Renault 2.0 et 3.5, il devait quelque peu déchanter. L’écurie choisie pour son entrée en lice n’était disons… pas à la hauteur. La seconde dans laquelle il trouvait refuge dès la manche de Spa Francorchamps lui permettait de réaliser quelques jolis chronos, mais sans plus. Aujourd’hui, c’est chez Charouz Racing System, une équipe tchèque réputée mais qui fait ses grands débuts en F2 que Delétraz pourra s’exprimer. Un défi d’autant plus motivant que l’écurie est ‘associée’ à Ferrari par le biais de la Ferrari Driver Academy et donc particulièrement observée par les pontes de la marque et de la F1. Dans ce contexte nous avons rencontré un Louis Delétraz, sympathique et disponible, très mûr aussi dans sa vision des choses et particulièrement motivé. Morceaux choisis…
Louis, revenons quelques instants sur 2017…
J’avais de grosses attentes, mais rien n’a vraiment fonctionné comme prévu. Après quelques courses, j’ai décidé de changer de team pour tenter de sauver ma saison sachant que repartir à zéro en plein championnat n’est pas vraiment évident. Il s’agit maintenant de tirer les leçons de 2017…
Sachant qu’en 2018 tout change…
Oui, la F2 se renouvelle, châssis, moteur tout est neuf et pour tout le monde. Le gros souci concerne les pneus qui se dégradent très, très vite. En qualifications, ils devraient tenir maximum 2 tours, il faudra gérer ce paramètre pour être parmi les meilleurs.
Dans ce contexte vous semblez avoir fait le bon choix en signant chez Charouz?
Les saisons précédentes nous étions concurrents et j’avais beaucoup de respect pour cette équipe. En V8 3.5 Charouz est l’une des meilleures écuries du plateau, une référence. Et cette année en F2 nous sommes l’équipe junior de Ferrari, alors…
Est-ce dire que 2018 sera facile?
Certainement pas! Cette année est d’une importante capitale pour moi. L’an dernier j’étais rooky, et les gens avaient tendance à me pardonner quelques écarts, cette saison je ne le suis plus, je dois prouver quelque chose…
Avec quel objectif?
Toujours le même, la F1…
Même si en F1 l’argent compte souvent plus que le talent?
Je reste persuadé que c’est possible, même si je suis conscient que c’est très difficile et que le fric mis à part, la F1 est aussi très politique… Et comme je n’ai pas d’argent je dois y arriver avec le talent. Je dois me montrer, être devant, assurer.
Avec un petit plus dans vos bagages…
En fait un document important puisque mes résultats des saisons précédentes aidant, je suis titulaire de la ‘fameuse’ licence F1… C’est un début.
Fils de… Est-ce difficile de se faire un prénom?
Oui et non… Au début, tout le monde me parlait de papa, aujourd’hui un peu moins. Il n’empêche que c’est grâce à lui si j’aime le sport auto… Je suis un peu tombé dedans dès ma petite enfance puisqu’à 2 ans, il me prenait déjà sur les circuits.

Vous êtes braqué sur la F1, que pensez-vous de l’endurance par exemple?
Je dirais pourquoi pas? Hormis la F1, un autre de mes rêves c’est les 24H du Mans. Je veux une fois vivre cette course de l’intérieur, avec la ferme intention de la gagner. En fait, j’ai déjà touché au GT avec BMW, mais c’est compliqué de mener deux programmes en parallèle.
Cela dit vous avez tout de même assuré votre avenir en parallèle à la course automobile…
Je voulais un diplôme pour assurer une éventuelle reconversion. Par chance, j’ai pu étudier dans une école privée puisque les programmes sport-étude ne sont pas adaptés. Et j’ai une ‘matu’.
…Que vous avez vite rangée dans un tiroir…
Effectivement, une fois l’objectif atteint, j’ai arrêté les études pour me consacrer pleinement au V8 3.5.
Racontez-nous un peu votre vie actuelle…
C’est assez simple, une saison complète comme celle que je vis en F2 au plus haut niveau représente quelque 250 jours de voyage par an. Il reste peu de temps pour les loisirs et une vie en dehors des paddocks.
Mais vous semblez parfaitement heureux…
Je suis super content, je mesure la chance que j’ai de pouvoir vivre ma passion… Même si je ne touche pas de salaire et que je dois tirer le diable par la queue…
Peut-on chiffrer le coût de votre passion pour 2018?
Pas de manière précise, mais disons autour de deux millions.
Pour être au top, il faut de l’argent, mais aussi une forme physique sans faille. Comment vous maintenez-vous?
En hiver, autrement dit de décembre à février je fais beaucoup de sport. De la boxe, du karting, de la gym et j’en passe avec un programme d’une dizaine d’heures par semaine. Je m’entraîne essentiellement au Country Club de Genève où viennent aussi d’autres sportifs comme Romain Grosjean, Stan Wawrinka et quelques français qui vivent dans la région.
Qui vous fait les programmes dont vous parlez?
Je suis resté lié au coach espagnol de mon ancienne écurie. Domicilié à Valence, il m’envoie les plans par mail, nous nous téléphonons aussi beaucoup et nous voyons de temps en temps…
Et durant la saison comment se passe votre entrainement physique?
Compte tenu de la charge du planning, il s’agit plutôt de maintien qu’autre chose. Et puis, il y a de nombreuses séances de simulateur. En F2, les essais libres sont très restreints, nous devons donc apprendre les circuits par d’autres moyens. Le simulateur permet de prendre des repères, de trouver les points de freinage. Le but est de pouvoir sauter dans la voiture et de savoir comment se comporter sur le tracé. Nous préparons chaque sortie, chaque circuit sur simulateur.
Et chapitre nourriture comment gérez-vous?
Je dirais que j’ai de la chance, avec mes 60 kilos je n’ai aucun problème de poids. Je fais un peu attention à ma nourriture, mais sans me priver.
La tendance est à l’électrique, qu’en dites-vous?
J’aimerais bien essayer une Formule électrique. Mais je ne crois pas vraiment que l’avenir sera tout électrique. Pour moi, il est plutôt hybride.
La saison commence du 6 au 8 avril à Bahreïn… Quels sont vos objectifs pour 2018?
Gagner des courses. Vous savez, les voitures de Charouz sont aux couleurs Ferrari et une Ferrari ne peut pas être derrière.
Et à part ça, en privé quelle voiture roulez-vous et comment?
Une BMW série 1 que je conduis plutôt sagement. J’aime la vitesse mais pas sur routes ouvertes, j’ai suffisamment de possibilité de me faire plaisir sur les circuits.

Notons encore, pour la petite histoire, qu’entre notre tête à tête avec Louis Delétraz et la publication, le Genevois a participé à deux séances d’essais officiels de la F2 et qu’il s’est régulièrement classé parmi le top 5, souvent devant son coéquipier Antonio Fuoco.
Crédit images: charouz