Une ‘start-up’ suisse, nouvelle entreprise si vous préférez, veut bousculer les traditions et propose des voitures à louer, comme un appartement… Bienvenue chez Carvolution!
Léa Miggiano (image de Une) a 24 ans, à cette période de la vie l’âge d’une dame n’est pas encore tabou. Et les tabous justement la jeune entrepreneuse se plaît à les laisser de côté. C’est ainsi qu’à peine sortie des études, elle a fondé Carvolution, une véritable (r)évolution dans le microcosme de l’automobile puis qu’il est alors question de louer sa voiture plutôt que de l’acheter. Tarif «all inclusive», comme l’est un voyage ou tous les suppléments habituels sont inclus dans le prix de base. Discussion à bâtons rompus avec une ‘boss’ motivée et persuadée de la valeur de ses idées.
La genèse
Commençons par le commencement, d’où vient l’idée de créer Carvolution?
D’une réflexion personnelle, l’association entre la recherche d’une solution et une nécessité. Au terme de mes études j’avais besoin d’une voiture mais je n’avais ni le budget pour une auto neuve, ni l’envie de me risquer sur le marché de l’occasion… De plus, je n’ai aucune idée, ou presque, du domaine automobile. Le leasing me semblait trop cher et trop astreignant dans le temps… Les assurances et autres trop complexes. Je voulais juste avoir une voiture qui corresponde à mon salaire et payer un tarif fixe tout compris.
OK, mais…
La pratique des locations longue durée, ou abonnements ou encore souscriptions de voitures est en plein développement aux Etats-Unis et c’est bien connu ce qui est tendance là-bas arrive plus ou moins vite ici… Nous avons donc décidé de nous lancer.
Vous pensez vraiment que les gens sont prêts à abandonner leur voiture personnelle et l’image sociale qui va avec?
Oui. Dans le domaine de la mobilité les changements sont importants. Je pense que la voiture ne doit plus être un objet personnel et il semble que les gens commencent à suivre ce mouvement. Les mentalités se modifient et il est temps de reconsidérer la manière d’aller de A à B.
Mais encore…
Nous jouons sur la vague du changement… Si quelqu’un veut une belle voiture nous pouvons la lui fournir. Nous proposons plusieurs marques avec une fourchette de prix qui commence à 399 francs par mois et correspond à divers budgets. Vous savez, le futur est aux voitures autonomes et la différence de genre ne se fera plus.

Les principes
Autrement dit, si je vous téléphone et que je veux un modèle précis, vous m’arrangez le coup?
Non. Vous pouvez choisir votre voiture dans notre catalogue en ligne. Nous essayons d’avoir une gamme complète qui convienne à chacun. Mais il n’est pas possible de venir ou téléphoner et demander par ex. une BMW X quelque chose et de couleur jaune. Nous devons aussi planifier l’avenir et prévoir ce que nous ferons des voitures. Par contre, vous avez la possibilité de changer de modèle chaque semestre.
C’est-à-dire?
Vous pouvez très bien louer un type de voiture pour l’été, un autre pour l’hiver… Par exemple, un SUV pour le ski et une citadine pour l’été ou vice et versa. Ou alors, une petite voiture lorsque vous êtes en couple et une plus spacieuse si la famille s’agrandit… Autant de figures inimaginables avec un leasing traditionnel.
Reste que le choix est limité?
Mais le marché est ouvert et transparent même si pour l’instant et pour des questions d’organisation nous privilégions les modèles dont le service est prévu tous les deux ans. Par contre, nous ne voulons pas offrir des voitures de luxe ou je ne sais quoi… D’abord la clientèle est limitée et les passionnés veulent leur propre voiture.
Est-il possible de vous louer une auto pour deux semaines?
Non. Nous ne sommes pas une société de location traditionnelle, mais plutôt d’abonnement. Nous proposons une possibilité de test sur trois mois, mais notre base de travail est d’un semestre avec une utilisation quotidienne et un renouvellement selon l’envie et le besoin du client.
Justement quel est votre clientèle type?
En fait, elle ne correspond pas vraiment à nos idées de base, à l’idée que nous étions fait de notre marché type, et les motivations sont très variées. Elles vont de la deuxième voiture à la jeune famille qui veut éviter le risque financier, en passant par les jeunes sans budget qui entrent dans la vie active ou encore les expatriés qui ne savent pas pour combien de temps ils sont là. Et étonnement aussi de petites entreprises qui ne veulent pas s’embarrasser de la gestion d’un parc automobile, des dossiers d’assurances, etc…
Et puis vous viser aussi une tranche d’âge plus avancée…
Clairement nous sommes une solution intéressante pour les personnes âgées qui ne savent pas jusqu’à quand elles pourront conduire… Plutôt que acheter une nouvelle auto, elles contractent un abonnement Carvolution et peuvent nous retourner la voiture le jour où le couperet tombe.

Les services
Vous proposez un service ‘tout compris’ qui va très loin, pourquoi?
Parce que nous partons de l’idée que nos clients ne doivent pas se soucier des rendez-vous de garage, des changements de roues entre été et hiver, etc… Actuellement nous faisons le tour de notre clientèle pour mettre les pneus d’été, à domicile, au bureau, ou ailleurs… Nous en profitons pour contrôler les niveaux et procéder au nettoyage des pare-brise.
Ce qui représente un gros travail… Comment faites-vous?
L’essentiel c’est la planification. Pour le changement des roues au printemps et à l’automne nous faisons appel à des employés temporaires.
Et lorsqu’un client commande une voiture vous livrez à domicile…
Encore une fois tout est dans la planification. La logistique et le transport sont assurés par des partenaires externes, par exemple des rentiers qui nous donnent un coup de main, ou par l’un de nous.
Venons-en à un point concret, vos clients sont-ils limités en termes de kilomètres?
La réponse est oui et la barre est fixée à 1750 kilomètres par mois, soit 21’000 par an. C’est plus que la moyenne de roulage estimée et beaucoup plus que pour une voiture en leasing avec le contrat de base.
Mais pas forcément assez pour une entreprise?
Tout dépend de l’entreprise. Pour un service externe traditionnel un contrat de flotte sera probablement plus favorable. Mais chez nous le kilomètre supplémentaire est facturé entre 25 et 35 centimes selon la voiture, le calcul mérite d’être fait. Notre volonté est de ne pas pénaliser les gens qui ne roulent pas beaucoup avec des tarifs moyens trop élevés pour prendre en compte les gros kilométrages.

L’entreprise
Passons à autre chose. Carvolution est jeune et évolue dans un marché difficile. Comment faites-vous pour constituer votre parc?
Nous avons commencé par rechercher des fonds chez les investisseurs privés en plusieurs étapes. Pour nous, il s’agit de bien séparer les dossiers, d’une part l’entreprise, de l’autre les voitures. L’idée et l’objet de l’idée sont deux choses différentes qui demandent un financement différent. De plus, dans notre organisation la voiture n’est plus considérée comme telle, mais comme un service.
Il n’empêche, les investissements sont énormes, non?
Il faut imposer nos idées auprès des banques, des sociétés de leasing, des fournisseurs… Nous faisons de gros efforts de communication pour faire changer les idées préconçues. Et les mentalités changent raison pour laquelle nous ne voulons pas mélanger le financement de l’entreprise avec celui des autos.
Est-ce dire que vous achetez pour louer?
Si on achetait notre bilan serait tellement grevé que ce serait horrible. Nous avons effectivement acheté nos dix premières autos, il fallait bien démarrer… Vous savez les banques n’accordent pas facilement de crédits pour ce genre de projet. Aujourd’hui, les voitures émargent à un capital externe et nous obtenons quelques lignes de crédit car les choses vont toujours plus vite.
Et Carvolution se développe…
Oui… J’ai commencé en mars 2018 quasi seule, actuellement nous sommes treize collaborateurs sans compter les intérimaires… Et puis en avril dernier nous avons livré plus de cinquante nouveaux clients.
Reste un point noir dans votre tableau, le français…
Je l’admets. Sur le site les documents à caractère juridique sont en allemand, mais la version française est en cours de préparation et sera ajoutée dès que possible. La jeunesse de notre entreprise et son développement rapide expliquent quelques lacunes, mais ces dernières ne nous empêchent heureusement pas d’avoir de bons clients en Suisse romande.
Encore un détail, le site privilégie le tutoiement, pourquoi?
Ce détail comme vous dites a donné lieu à de longues discussions… Et puis nous avons adopté le ‘tu’ avec l’idée d’être plus proches de nos clients.