Début juin à Francorchamps, le tempo est donné par le GT Open, série dans laquelle roule désormais Emil Frey Racing.
Inutile, ici, de présenter la société Emil Frey dont les centres automobiles sont connus à travers le pays, voire le monde. Ce qui l’est moins, par contre, c’est l’engagement de l’importateur en sport automobile… Avec Jaguar d’abord, avec Lexus ensuite, et aujourd’hui avec Lamborghini, marque étrangère au groupe. Une liaison presque contre nature mais qui connaît un succès remarquable avec quatre victoires en six courses pour les deux ‘Lambo’ bleues préparées à Safenwil. Voilà qui valait bien une rencontre avec Lorenz Frey, ‘patron’ de la structure racing, dans le cadre mythique du circuit de Spa-Francorchamps.
«Avant d’entrer dans le vif du sujet, j’aimerais dire que j’aime beaucoup Spa et que j’ai un petit pincement au cœur en pensant que nous ne serons pas présents pour les 24 Heures puisque nous avons changé de série… Mais j’espère que nous reviendrons l’année prochaine…»
Préambule qui mène logiquement à la question que tout le monde se pose, pourquoi ce changement?
«Fondamentalement parce que notre équipe n’est pas constituée uniquement pour rouler, nous sommes spécialisés dans la construction et le développement de voitures… Nous avons commencé avec les Jaguars qui sont sorties d’homologation, puis nous avons passé à Lexus avec un proto, puis les RC F que nous avons engagées d’abord en GT Open, puis en Blancpain.»
De combien d’employés se compose cette équipe?
«Une vingtaine en permanence, mais plus lors des courses, par exemple environ 35 pour un week-end de GT-Open… L’an dernier pour les 24H de Spa, avec trois voitures, les ingénieurs, les mécaniciens, l’hospitalité, etc… Nous étions 75.»

Mais alors pourquoi ce changement radical en 2019?
«C’est simple. Les Jaguar n’étaient plus homologuées. Les Lexus étaient au sommet de leur développement, nous ne pouvions plus rien faire évoluer et comme évoqué avant j’ai un team d’ingénieurs et de collaborateurs trop étoffé et spécialisé pour simplement faire rouler des autos.»
OK, mais cela n’explique pas le choix d’une marque ‘étrangère’ au groupe Frey…
«Pour être honnête, au début des contacts je ne pensais pas que Lamborghini serait une option pour nous, justement parce que ce n’est pas une marque du groupe et que nous ne vendons pas de telles voitures. De plus, comme vous l’avez remarqué nous avons toujours roulé des voitures que nous vendons… Nous avons donc eu beaucoup de contacts, de nombreuses marques étaient intéressées mais nous nous sommes lancés très tardivement dans cette recherche et l’essentiel des programmes étaient déjà bouclés pour 2019… Nous n’avons donc pas trouvé une marque intéressée à nous confier autre chose que des voitures pour rouler…»
Mais encore…
«En parallèle, Lamborghini proposait cette année un nouveau kit évolution et n’avait pas d’équipe expérimentée pour assurer le développement en GT-Open… Pour nous, c’était une belle opportunité de pouvoir étudier la voiture et de collaborer avec Lamborghini pour faire évoluer la voiture en Suisse… Pour moi, c’était très important afin de maintenir notre structure en place, il aurait été trop difficile de tout abandonner après cinq ou six ans de travail. Nous avons donc saisi la chance que Lamborghini nous offrait.»
Est-ce dire qu’Emil Frey Racing est désormais marié à Lamborghini?
«En fait, nous ne sommes même pas fiancés puisque nous avons signé pour une saison, nos avenirs ne sont pas véritablement liés. Mais l’ambiance est très cordiale, Lamborghini est aussi une entreprise familiale, une petite structure très maniable très réactive et nous sommes très contents.»
Et à part ça?
«Du point de vue marketing les choses sont évidemment différentes, nous ne pouvons plus inviter nos clients comme nous le faisions précédemment, et indirectement nous faisons la publicité pour une marque que nous ne vendons pas… Mais le but d’Emil Frey Racing est de montrer ses capacités en termes de préparation de voitures et d’être au top niveau, même avec une marque que nous ne représentons pas. Dans ce contexte, nous sommes très heureux avec Lamborghini.»
Certains prétendent que c’est une manœuvre d’Emil Frey pour devenir importateur Lamborghini…
«Ils ont tort… Nous avons suffisamment de marques et sommes aussi liés à Aston Martin et Bentley qui se distinguent dans d’autres disciplines…»

Autre changement, vous ne pilotez plus…
«Et je peux vous avouer que c’est très dur de ne pas rouler, à tel point que je n’ai pas pris la licence cette année pour ne pas être tenté… Mon grand-père, mon père étaient pilotes… Aujourd’hui, je manque de temps, j’ai beaucoup de responsabilités dans le groupe, et je tiens à rouler uniquement avec l’esprit libre. Si je ne peux pas me concentrer sur le pilotage, que je n’ai pas le temps de me préparer correctement, ce n’est pas la peine…»
Vous êtes passé de neuf pilotes à quatre. Comment avez-vous fait votre choix?
«Une situation compliquée car nous sommes une grande famille et qu’il est difficile de se séparer d’un membre de sa famille… Image, esprit d’équipe, vitesse sont les critères habituels et ils ont tous fait un très bon job lors des tests, mais nous avons dû faire un choix aussi douloureux soit-il. Et puis, il y avait Giacomo Altoé qui faisait partie de la Lamborghini Academy et que nous avons intégré à la famille. Cela dit, j’espère que nous retrouvons la chance de rouler avec plus de voitures et plus de pilotes.»
Parlez-nous de cet esprit de famille ou d’équipe…
«D’abord, nous sommes une petite structure en comparaison des autres… Nous sommes une société familiale et nous voulons garder le même état d’esprit en compétition. L’une de nos forces est d’avoir un groupe de collaborateurs fidèles, l’autre c’est la flexibilité. Notre taille nous permet de prendre nos décisions rapidement et je peux compter sur le soutien indéfectible de mon père qui me fait profiter de son expérience.»
Parmi les défis, deviendrez-vous un jour préparateur pour d’autres clients?
Chose certaine, nous avons la structure pour… Nous visons donc cet objectif mais sans brûler les étapes. Pour l’instant, nous avons une grande clientèle sur nos simulateurs, nous intervenons aussi sur mandats comme consultants. Nous avons toutes les ressources nécessaires pour préparer de voitures ‘clients’ mais je veux évoluer step by step, sans précipitation. L’idée est évidement de faire profiter nos clients de notre expérience et d’ensuite profiter de la leur.»
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